Les amants de l’impossible

cycle sans début ni finIls sont deux, deux qui ne forment qu’un : le monde et l’ombre, la lumière et les ténèbres: les deux plateaux de la balance.

La vie surgit de la mort, et la mort de la vie ; étant opposés, ils se cherchent l’un l’autre ;  ils se donnent naissance l’un à l’autre. Et chacun renaît à jamais. Et avec eux, tout renaît, la fleur du pommier, la lumière des étoiles.

Dans la vie, il y a la mort, dans la mort il y a la renaissance. Que serait donc la vie sans la mort ? La vie immobile, sans changement, éternelle ? Que serait-ce sinon la mort – la mort sans renaissance ?
(Extrait des contes de Terremer)

La mort… cette chose horrible qui nous fait si peur, et qu’on voudrait tous pouvoir éviter, ou au contraire, que certains veulent se donner, ne supportant plus la vie qu’ils ont.

Pour apprendre à bien vivre, apprenez à bien mourir. C’est le thème que j’ai proposé pour cet événement interblogueur, que j’ai le plaisir d’héberger sur ce blog.

 

Apprendre à bien mourir. La belle affaire…

Accepter la mort.
Accepter que nous sommes mortels.
Accepter de se dire qu’un jour – on ne sait pas quand – tous ceux qu’on a connu, tout ce qu’on a fait, tout ce dont on a conscience dans ce monde ici-bas, il va falloir l’abandonner, le  lâcher, s’en séparer, pour passer vers quelque chose, un état, que personne ne connait réellement, et dont pas grand monde n’est revenu pour en parler.

Facile à dire…

Ca fait beaucoup de flou et d’inconnu. Et comme la peur est une émotion naturelle, et utile, qui justement se déclenche quand on n’a pas assez d’information, et que là, l’info, on n’en a pas…
… la mort fait peur.

De nombreuses traditions se sont penchées sur la question, et ont découvert, entre autres, qu’une des causes de cette peur et de cette souffrance est ce qu’on appelle l’ego, ou plutôt  l’illusion de l’ego. Et qu’à un niveau très primordial, très profond, l’ego n’est finalement qu’une manifestation particulière d’une conscience universelle, qui elle, n’a ni début, ni fin.

Qui est simplement.

Si on arrive à prendre conscience de cet état, et le vivre, alors la conscience de l’ego se dissout, et toute souffrance, toute peur disparait, car on intègre en nous que tout est impermanent, et finalement illusoire. On arrive alors à se détacher de tout, y compris de sa propre vie et de sa propre mort.

La mort ne nous faisant plus peur, on vit notre vie pleinement et sereinement.
CQFD.

Petite parenthèse quand même, se détacher ne veut pas dire se déposséder, ne plus avoir. Ce sont deux choses bien différentes, qui malheureusement sont souvent confondues.

Bon d’accord, OK, super ! C’est bien joli tout ça, mais ça doit s’expérimenter.

C’est comme l’orgasme !

Ce n’est pas en expliquant et décrivant intellectuellement les sensations d’un orgasme, que la personne va le vivre. Ca peut peut-être lui donner envie de le vivre, elle en aura une idée approximative, car elle va l’interpréter selon sa réalité, mais elle ne l’aura pas expérimenté pour autant. Elle ne saura donc toujours pas ce que c’est réellement.

Autant l’orgasme, je pense qu’un bon nombre d’entre nous l’a connu, autant cette prise de conscience et cette intégration à l’intérieur de nous, de l’impermanence de l’univers, de l’illusion de l’ego et de ce qu’il construit autour -c’est à dire l’univers- peu d’entre nous l’ont déjà vécu et réellement expérimenté, voire même simplement compris.

 

Alors comment nous, le commun des mortels, pouvons-nous faire pour apprendre à bien mourir ?

Là comme ça, en lisant un article, je pense que c’est tout simplement impossible, parce-que c’est quelque chose qui doit s’expérimenter, se vivre.

La mort est une séparation, un passage. Un passage c’est un seuil à franchir physiquement. Dans le cas d’une séparation ce seuil s’appelle un deuil.

Et des séparations, des deuils, on en vit durant toute notre existence, depuis le moment où on se sépare du ventre de notre mère, avec une première inspiration qui nous défroisse les poumons et nous permet de vivre indépendamment d’elle, jusqu’à la dernière expiration, où on quitte cette vie, le dernier pas de notre passage ici-bas.

La vie qu’on a, on la tient d’un père et d’une mère, qui eux-mêmes la tiennent aussi d’un père et d’une mère, etc… On fait donc partie d’une continuité de transmissions qui se fait de générations en générations.

Notre vie, ainsi que notre façon de la vivre, va donc être très influencée par ce qui nous aura été transmis par nos parents, qui l’auront reçu de leurs parents, enrichis de leurs propres expériences, etc…

Nous héritons donc, chacun à notre niveau et pour une bonne part inconsciemment, du vécu de nos parents et de leurs ascendants, de leurs expériences, leurs joies, leurs peines, leurs réussites, leurs traumatismes, leurs croyances….

Tout ça va bien sûr se combiner et interagir avec notre propre vécu, nos croyances, etc… qu’on se sera forgés pour se construire au début et au cours de notre vie.

 

Apprendre à bien mourir

Apprendre à bien mourir peut donc être apprendre à accepter notre impermanence, et comme le disait si bien Gandhi de vivre comme si c’était notre dernier jour, et apprendre comme si on avait l’éternité devant soi.

Apprendre à bien mourir peut être également, apprendre à bien enterrer nos morts. Car qu’on le veuille ou non, ils ont aussi une influence, même inconsciemment, sur notre façon de vivre notre vie.

Un ancêtre « mal mort » peut être source, dans sa famille, de traumas, de non-dits, de hontes, etc… qui pourront se transmettre aux générations futures de façon inconsciente.

Cette théorie, la psycho-généalogie (ou psychanalyse trans-générationnelle), validée par de nombreux cas cliniques, a été ouverte au grand publique par Anne-Ancelin Schützenberger   dans les années 1980, reprise par Didier Dumas et bien d’autres.

Un ancêtre « mal mort » peut être quelqu’un :

    • qui est mort de façon violente ou dans des conditions « inacceptables » (ex: suicide)
    • qui est parti avec un fardeau trop lourd à accepter par la famille (maladies considérées honteuses, casier judiciaire chargé, avortement, adultère, etc…)
    • qui a transmis des vœux ou croyances « limitants » inconscients aux générations futures (ex: l’argent ça pue; ceux qui réussissent ont forcément triché; moi vivant(e) (moi= le père ou la mère), tu n’as pas le droit de me trahir en aimant quelqu’un d’autre). Etc…

Le poids du fardeau dépendra aussi de la période à laquelle il a été vécu, car suivant les croyances collectives d’une époque, le poids individuel ne va pas être le même.

Prenons l’exemple d’un avortement :

Dans les années 1950, si ça se savait, la mère pouvait se faire répudier, bannir. C’était quelque chose de très lourd et culpabilisant.
Aujourd’hui, même si c’est un événement qui de toutes façons n’est pas sans conséquences pour la mère, (ni pour le père d’ailleurs) c’est un acte qui est médicalisé, et parfois accompagné. Le trauma qui en découlera n’aura alors pas le même poids.

Enterrer nos morts, va donc passer par un processus de libération de ces traumas, qui se fera par une conscientisation des événements, vécus par les ancêtres concernés. Pour aider à cette prise de conscience il existe un outil qui va nous permettre d’avoir un autre regard sur notre généalogie en y intégrant nos charges émotionnelles associées : le  génosociogramme.

C’est notre arbre généalogique perçu de notre fenêtre. Ce sujet étant un peu long à développer ici, il fera l’objet d’un autre article.

Apprendre à bien mourir, peut aussi être apprendre à faire le deuil de tensions  qui existent à l’intérieur de nous, et de traumas vécus personnellement.

Pour ça, il existe aujourd’hui, de nombreuses approches, thérapies, techniques… qui peuvent nous aider.

Une que j’ai envie d’aborder ici, est la voie de la transcendance, sur laquelle Zivorad Slavinski s’est appuyé, pour mettre au point son approche PEAT. Sous ce mot un peu pompeux, se cache une méthode très simple qui aide à fusionner les opposés, les tensions en nous.

Ces tensions sont pour la plupart liées à notre façon de percevoir la dualité qui nous entoure. Je parlais plus haut, de l’illusion de l’ego. C’est cet ego qui va créer cette dualité dans laquelle on vit : le bien/le mal, le yin/le yang, le jour/la nuit…

Notre vie sur terre va être constamment bercée entre ces contrastes, entre ces oppositions, et c’est notre façon de les vivre qui va influencer la qualité interne de notre vie.

Si par exemple, pour moi, tout ce qui est lumineux, je l’associe au bien, et ce qui est sombre je l’associe au mal, ou tout ce qui est solide, je l’associe à la sécurité, et ce qui est vide je l’associe à l’insécurité, alors je vais toujours être tiraillé entre ces deux opposés, à vouloir l’un et éviter l’autre.

Et cette tension entre les deux va engendrer un mal-être, car ces contrastes, je les vivrai toute ma vie, donc toute ma vie je vais être écartelé entre le « pour » l’un et le « contre » l’autre.

Si maintenant j’arrive à dissoudre les tensions qui existent entre ces deux opposés, à n’être plus ni « pour » l’un, ni « contre » l’autre, mais à intégrer naturellement qu’elles sont simplement les deux faces d’une même pièce, alors tout le mal-être engendré par ce tiraillement va disparaitre.

C’est comme si les deux opposés se rejoignaient et ne faisaient plus qu’un, comme s’ils « fusionnaient ». Ces deux amants n’existent que parce qu’ils sont opposés et ne peuvent pas se retrouver. S’ils se rejoignent, alors ils se dissolvent l’un dans l’autre et disparaissent : ils n’existent plus en tant que tel.

La dualité s’efface.

Cette approche étant un peu plus longue à expliquer en détail, elle fera aussi le sujet d’un autre article. 🙂

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