Oct 1 2014
Vivre sans le regard de l’autre : fantasme ou réalité ?
Cet article est écrit dans le cadre du festival mensuel de la croisée des blogs organisé par le site Devperso. Ce mois-ci c’est Laurence, du blog Happy Soul, qui accueille l’édition d’octobre, et nous propose le thème : Le regard de l’autre.
Peut-on exister sans le regard de l’autre ?
La première chose à laquelle je pense en voyant cette question est l’expérience du chat de Schrödinger (Erwin Schrödinger, physicien Autrichien, 1887-1961).
C’est un des pères de la physique quantique, très connu pour son paradoxe du chat (1935) : Il cherche à expliquer au niveau macroscopique, ce qui se passe au niveau quantique, c’est à dire en dessous de la taille d’un atome.
En très résumé, au niveau quantique (c’est-à-dire très très petit) tant qu’une particule n’est pas observée, on dit qu’elle peut être théoriquement dans plusieurs états à la fois. Par contre, la simple observation de celle-ci fait se « cristalliser » un des états et « élimine » tous les autres (en physique quantique on dira « faire s’effondrer la fonction d’onde »).
Schrödinger a illustré ça en imaginant un chat dans une boite : tant que la boite est fermée et qu’on ne voit pas le chat, il peut être dans plusieurs états à la fois, c’est-à-dire par exemple, en même temps vivant et en même temps mort. Ce n’est que lorsque l’on observe le chat en ouvrant la boite, qu’on fait se « cristalliser » une des options et que le chat se « fixe » dans un état, vivant ou mort. Pour plus d’info sur cette expérience vous pouvez cliquer ici.
Une petite poignée de scientifiques se sont même risqués à émettre l’hypothèse que c’était donc le regard qui faisait exister l’univers (une conscience qui regarde), et que s’il n’y avait aucune conscience d’aucune sorte qui observait, alors l’univers n’existerait pas.
Malheureusement, cette hypothèse est de toute façon impossible ni à valider ni à réfuter car pour ça il faudrait :
- soit un observateur qui puisse vérifier, mais dans ce cas on ne serait pas dans le cas où aucune conscience n’observe
- soit aucune conscience d’aucune sorte qui n’existe, mais dans ce cas, rien ni personne non plus pour observer le résultat.
C’est le serpent qui se mord la queue…
Grandir à travers le regard de l’autre
Si maintenant on revient à quelque chose de plus abordable et de plus observable pour notre système de pensée habituel, dans un registre plus humain, le regard de l’autre nous aide, dès notre toute petite enfance, à nous construire sur terre.
Et d’ailleurs, sans le regard de l’autre, sans l’attention et l’interaction avec l’autre, non seulement notre cerveau ne se développe pas correctement, mais en plus il peut mener à des états tels que l’on peut en perdre le goût de vivre.
Dans certains centres d’accueil d’orphelins (style croix rouge) pendant les guerres, particulièrement pendant la deuxième guerre mondiale je crois, il a été noté un taux de mortalité infantile très élevé, même si les enfants avaient tout ce qui leur fallait pour remplir leurs besoins primaires à leur survie (un toit, de la nourriture, des vêtements…). Ce qui leur manquait, c’était de l’interaction avec les infirmières, des regards, de la relation. Mais les pauvres étaient tellement débordées qu’elles n’en avaient pas le temps, et de nombreux enfants se sont « laissés mourir ».
Le regard de l’autre et l’interaction avec notre environnement est capital pour notre développement psychique et physique dès notre toute petite enfance. C’est lui qui nous aide à construire ce que Julien Betbèze (psychiatre français) et Michael White (psychothérapeute australien) appellent la protection.
Ce niveau de protection est ce qui nous permet de nous construire une image de soi adaptée et de développer la confiance en soi.
La protection est en générale mise en place avec l’aide de notre famille et de nos parents. Mais s’ils ne sont pas là, on peut quand même arriver à la développer avec notre entourage, dans la mesure où nos interactions avec lui sont constructives. Et en parallèle, au niveau inconscient, on met aussi en place des stratégies pour maintenir notre niveau de protection suffisamment élevé.
Ces stratégies sont liées à notre vision du monde, qui est elle-même liée à nos croyances structurantes inconscientes (pour en savoir plus).
Le regard de l’autre nous aide donc à grandir et à nous construire, un peu comme un tuteur qui va nous aider à nous positionner face à ce qui nous arrive dans notre vie.
Mais si ce tuteur est nécessaire quand on est petit, est-ce qu’il l’est autant à l’âge adulte ? Est-ce que de vouloir absolument rester accroché à ce tuteur en grandissant, ne va pas plutôt être un frein à notre évolution ?
Est-ce qu’à partir d’un moment on n’aurait pas besoin de justement s’en détacher, du regard de l’autre (sans pour autant aller dans l’extrême inverse de le renier ou le dénigrer), pour pouvoir grandir, s’épanouir et accepter d’être ce qu’on est, tout simplement ?
J’attends avec plaisir vos réactions dans les commentaires.
Suite dans la prochaine partie.
loic
1 octobre 2014 @ 18:46
bonjour à toi.
Et oui bien sur le regard des autres nous fait exister, mais il peut aussi nous freiner et nous empêcher de nous épanouir, si nous sommes trop timide ou orgueilleux pour le supporter. pour cela nous pouvons faire une chose simple afin de nous libérer de notre propre regard et de celui des autres…. Ne pas juger. il faut à mon avis s’éviter de juger négativement les autres, cela nous apporte une confiance supplémentaire en nous et une plus grande liberté.
« Vous serez jugé comme vous jugé » cela s’applique aussi à notre propre vision de nous mêmes.
bien à toi.
Philippe
15 octobre 2014 @ 15:04
Bonjour Loic,
Le regard de l’autre peut en effet nous empêcher de nous épanouir par orgueil ou timidité, il peut aussi nous freiner si on cherche trop à s’y conformer sans écouter ce qu’on est ni ce qu’on veut au fond de nous.
Le jugement des autres, est en effet assez limitant. Pour moi, comme tu le dis, ce qui est encore plus limitant c’est le jugement de soi, la petite voix dans la tête qui nous dit régulièrement des trucs du genre :
– Oh non fait pas ça, ça ne se fait pas
– Si tu dis ça, qu’est-ce qu’ils vont penser de toi ?
– Si tu vas là tu vas avoir l’air de quoi ?
– …
Là, on est beaucoup sur le regard de l’autre, ou alors le regard que l’on veut avoir de soi…
Bien à toi
Dorian
6 octobre 2014 @ 12:11
Bonjour Philippe,
Cette expérience sur le chat et les hypothèses qui en découlent ont de quoi se poser de nombreuses questions !
Je pense qu’il faut se sortir du matérialisme scientifique et accepter de voir avec un autre sens que celui de la vue. C’est celui-ci qui nous dira si telle chose existe ou non et de quelle façon.
Concernant le regard des autres, il est très utile à chaque instant. Une personne vivant seule peut peut-être se sentir plus sereine et tranquille qu’une personne toujours entourée mais celle qui est entourée voit le reflet de ses propres défauts chez les autres. Et c’est là une vrai opportunité de grandir.
Au plaisir !
Dorian
Philippe
15 octobre 2014 @ 14:57
Salut Dorian,
Je pense aussi que notre vue ne nous donne qu’une parcelle très réduite de ce qu’est la « réalité ». Le seul hic c’es qu’on ne nous a pas vraiment appris à faire autrement, même si certaines choses que l’on voit ne sont qu’une pure création du cerveau sans réalité physique (voir ).
Quant au regard de l’autre, il nous permet en effet de nous faire grandir (voir ), mais d’un autre côté, il peut aussi devenir enfermant. A voir comment trouver un juste milieu.
A bientôt!
Philippe
Laurence
8 octobre 2014 @ 12:07
Bonjour Philippe et merci à toi pour cette participation que j’apprécie beaucoup !
Il est vrai que l’être humain a besoin de se sentir exister à travers le regard de l’autre : ce besoin de reconnaissance sociale s’exprime, comme tu le soulignes dès le plus jeune âge. Et de même, quid du poids de la « norme sociale », du tuteur que nos parents nous ont légué une fois parvenus à l’âge adulte ?
Ton questionnement est passionnant : vivement la suite !
Philippe
15 octobre 2014 @ 14:49
Bonjour Laurence,
Merci pour ton commentaire, et merci aussi d’avoir choisi ce thème pour cette édition.
Tes questions sont intéressantes, ça me donne des idées supplémentaires pour aborder la deuxième partie. Merci ! 🙂
monique
27 novembre 2014 @ 14:48
« Est-ce qu’à partir d’un moment on n’aurait pas besoin de justement s’en détacher, du regard de l’autre », j’adore cette phrase que tu as écris et décrit ce que je ressens.Certes dès notre jeune age, on a besoin de l’autre pour bien nous construire et grandir mais est ce qu’il y a réellement une limite ou pas? Je pense qu’on doit trouver une sorte de balane personnelle entre ce qu’on veut et ce qui nous entour pour bien exister.
En tout cas merci pour ce bon article sur un sujet aussi délicat
Philippe
28 novembre 2014 @ 16:10
Bonjour Monique,
Merci pour ton commentaire
Je pense en effet que la balance, l’équilibre est important : ne faire que pour plaire ou n’en avoir absolument rien à faire de l’autre, pour moi sont deux extrêmes qui ne sont pas constructifs pour une relation saine (à soi et à l’autre), même si c’est plus facile à dire qu’à faire.
🙂