Croire en notre soi : pour quoi faire ?

La première partie de cette série d’articles abordait le regard de l’autre et son influence sur la construction de l’image de soi. Ici nous allons un cran plus loin en touchant un sujet auquel tout le monde a été confronté au moins une fois dans sa vie : la confiance en soi.

Confiance, méfiance, défiance

… peut-on vraiment se fier à toutes ses « fiance » ?

interprétation 1Souvent, ces mots à sens assez large et connotation philosophique sont utilisés un peu à tout va. J’aime bien alors repartir de l’étymologie : le sens originel qui lui a été donné lors de ses premières utilisations.

Le mot confiance vient du latin :

  • « cum » : avec, ensemble
  • « fidere » : se fier, croire

D’ailleurs, pour la petite histoire, fidere a donné en vieux français, « fiance », qui est à l’origine de fiancé, fiançailles.

Confiance veut donc dire, « se fier avec » , « croire ensemble ».
Et par conséquent « confiance en soi » voudrait dire « se fier avec soi », « croire en notre soi ».

Avoir confiance en soi serait croire en un soi fiable, avoir foi en lui, ce qui suppose un moi (au sens freudien) bien constitué et suffisamment fort pour à la fois se reposer et compter sur lui pour avancer.

« La confiance en soi serait la capacité de se vivre au jour le jour dans la certitude du lendemain. De se sentir aimé à n’en pas douter d’être aimable. De ne se laisser ébranler ni par la critique, ni par la flatterie, ni déstabiliser par (ce) qui nous contredit, ni altérer par le regard de l’autre tout en restant indifférent à la malveillance, à la mesquinerie, à la médisance.

Tout un programme n’est-ce pas ?… mais comment faire ?

Cette confiance en soi se construit dès la petite enfance avec ce que Julien Betbèze (psychiatre français) et Michael White (psychothérapeute australien) appellent la protection. La protection se construit pendant cette période, avec l’aide de notre environnement, principalement familial. Je dis « principalement » parce-que même si cet environnement familial est défaillant, on peut toutefois arriver à se construire un système de protection suffisant.

Un exemple assez étonnant est ce qu’il se passe dans certains bidonvilles : des enfants abandonnés, sans support de structure extérieure se recréent leur propre groupement social et s’entr’aident pour, par exemple, apprendre à lire et écrire : ils se recréent un système de protection qui leur permet de développer une certaine autonomie.

On pourrait dire que la protection est « notre capacité à développer des stratégies mentales, émotionnelles et comportementales, qui nous permettent d’interagir et de nous adapter sainement aux stimuli de notre entourage ». C’est cette protection qui nous permet d’avoir une autonomie suffisante. L’autonomie étant notre capacité à être libre, indépendant, changer, oser…

L’être humain est donc résilient, il a en lui, toutes les ressources pour s’en sortir, pour rebondir.

Toutes les ressources sont déjà là. Le tout est de savoir où les chercher.

Ces ressources, c’est ce qui va lui permettre d’interagir avec le monde qui l’entoure, c’est ce qui va lui permettre d’interpréter et de comprendre ce qui lui arrive, pour s’adapter et (sur)vivre.

 

 Créer pour survivre

Dans certains modèles de connaissance et de développement de la personnalité on dit que l’être humain a deux grandes peurs fondamentales, très auto-emprisonnementprofondes et inconscientes : la peur d’être rejeté, et la peur d’être absorbé.

  • La première est de l’ordre de la peur de n’avoir plus aucune relation ni lien avec qui que se soit, ni quoi que ce soit pour l’éternité, être seul au milieu de l’univers pour toujours.
  • La deuxième est de l’ordre de la peur de ne plus exister en tant qu’individu, de se faire « bouffer », absorber, de ne plus être.

L’enfant, pour vivre et être aimé, va se construire dès sa plus tendre enfance -certains disent même qu’il commence à se construire avant la naissance- un système de croyances qui va lui permettre inconsciemment, d’éviter l’une ou les deux peurs.
Chaque type de croyance devient comme un filtre qui lui permet, qui nous permet, d’aborder le monde d’une certaine façon.
Ces croyances peuvent être par exemple :

  • je suis trop nul pour être aimé
  • je n’aurai jamais ma place
  • seul le résultat compte
  • le savoir est ma survie
  • mes émotions vont encore me trahir
  • si je suis faible je meurs…

Ce sont ce qu’on appelle des « croyances structurantes », encore plus profondes que celles inculquées par notre éducation, nos cultures ou les religions. En fait, notre façon de vivre, de ressentir, de comprendre et d’interpréter notre éducation, notre culture ou nos systèmes religieux ou spirituels va être très influencée par ces croyances structurantes (et non le contraire).
Pour valider ou contre-carrer ces croyances, toujours inconsciemment, on va alors mettre en place des stratégies, on va développer certaines capacités, des compétences « innées » qui vont nous permettre de maintenir notre niveau de protection suffisamment haut.

 

 L’influence de l’autre

passage à franchirEnfant, le regard et l’attention de l’autre (parents, frères, sœurs, amis, copains, entourage…) est primordial pour développer nos compétences de façon
suffisamment équilibrée. Cela nous aide aussi à développer l’image que l’on a de nous, une confiance suffisante dans ce qu’on est, dans notre capacité à faire et à interagir.

Toujours pour être accepté et/ou exister, ce que l’enfant va faire et dire sera souvent guidé par un désir soit de plaire, d’être pour, soit de résister, d’être contre. Ce désir va nous aider à nous construire, à tester des stratégies, des comportements et voir ce qui nous parait bénéfique ou non pour nous, à ce moment-là.

Si enfant, cette façon de faire nous est, d’une façon générale profitable, à l’âge adulte, si elle peut encore nous être utile, elle peut aussi être source de bien des difficultés : faire systématiquement pour plaire ou se mettre en résistance contre, c’est devenir prisonnier du regard de l’autre, et même prisonnier de l’autre : c’est l’autre qui décide pour nous. Le tuteur qui nous a aidé à grandir devient alors un poteau auquel nous nous sommes attaché et qui nous empêche d’avancer.

En laissant de côté tout jugement inutile, est-ce que par hasard, se mettre systématiquement pour ou contre ne serait pas lié d’une façon ou d’une autre à un manque de confiance en soi ? Ne pas croire en ce soi fiable et reporter la « force » de notre moi chez l’autre ?

En attendant la dernière partie, j’attends avec impatience vos commentaires ou remarques sur cet article.